MARC ALENZI Rubrique

Propos encourageants de l’Ambassadeur de France en Arménie


Invité de TV Azadutiyun (Radio-TV free Europe), Jonathan Lacôte, ambassadeur de France en Arménie, a tenu des propos d’une grande importance. Il convient de faire état des points intéressants de cette interview d’un peu plus de quart d’heure, le 23 juillet.
L’intervention de M. Lacôte donne une idée claire du positionnement de la France à l’égard du conflit du Haut karabagh et de la situation dans le sud-Caucase. Cette position a été élaborée au fur et à mesure de l’évolution de la situation dans la sous-région. D’une position de retenue au départ plaidée par le Quai d’Orsay, la France tend à s’impliquer dans une région où elle avait observé l’évolution de loin. Or, de plus en plus, elle semble vouloir accompagner un processus politique, pour mettre fin au conflit qui n’est pas encore résolu.
1- La déclaration du 9 novembre n’est qu’une étape dans le processus de résolution du conflit
L’ambassadeur a mis en avant la nécessité de tenir compte des réalités sur le terrain. A partir de là, il considère que la déclaration tripartite du 9 novembre dernier « ne règle pas tous les problèmes » créés par le conflit. La preuve en est qu’il reste encore des prisonniers arméniens en Azerbaidjan, alors que leur sort avait fait l’objet d’un des points de ladite déclaration. L’autre problème crucial non résolu a trait à l’avenir du Haut Karabagh et c’est précisément la question du statut définitif du territoire. En effet, celle-ci est, dans le document, renvoyée au plus tard. Le ministre Sergey Lavrov avait déclaré en substance que dans le contexte post-conflit il valait mieux s’abstenir d’évoquer la question du statut.
2- La médiation de la Russie est appréciée à sa juste valeur
En dépit des lacunes soulignées dans la déclaration du 9 novembre, l’ambassadeur rappelle que l’intervention des troupes russes a permis de cesser les hostilités et d’assurer la sécurité de la population du Haut Karabagh sans laquelle cette denière aurait quitté le pays. C’est un clin d’œil d’un co-président du groupe de Minsk à un autre co-président, en l’occurence la Russie, pour préserver les canaux de communication d’une collaboration dans le cadre d’une réactivation prochaine du groupe. D’ailleurs, Moscou n’a jamais annoncé la fin du groupe de Minsk, alors que Ilham Aliev, imbu de sa personne, continue de claironner qu’il a définitivement résolu le problème par la force et que le travail du groupe de Minsk est sans objet.
L’ambassadeur porte également au crédit de Moscou les décisions du 11 janvier 2021 (réunion à Moscou des trois dirigeants russe, arménien et azéri) visant le déblocage des voies de communication, ... utiles à la decrispation régionale.
3- Le groupe de Minsk, seule enceinte habilitée à traiter le conflit
On se souvient qu’au lendemain de la signature du document du 9 novembre, la France avait exprimé son mécontentement en rappelant la mission du groupe de Minsk. L’ambassadeur Lacôte précise que le groupe de Minsk est « le seul cadre acceptable ». Une telle affirmation, qui a également l’agrément de Washington, récuse en fait l’arrangement tripartite de Moscou-Ankara-Bakou qui tente de dessiner une nouvelle carte de la sous-région.
La nouvelle configuration sous-régionale ne se fera vaisemblablement pas sans l’aval de l’Occident, sommes-nous amenés à penser. Le principe de non-recours à la force pour résoudre un conflit (l’un des trois principes de Madrid agrées par les trois co-présidents) constitue un levier à utiliser pour contester la nouvelle configuration souhaitée par les alliés de circonstance que sont Moscou et Ankara dans le Sud-Caucase.
4- La France dans le rôle de médiateur
C’est au nom des relations particulières que la France entretient avec l’Arménie (liens historiques entre deux pays, membre de la francophonie, ...) que la France se propose d’intervenir comme médiateur, agissant dans les faits pour l’Occident, mais sans vouloir trop heurter Moscou. Refusant que la guerre règle le litige, elle dit prête à « jouer un rôle en faveur de la consolidation du cessez le feu et la construction d’une paix durable ».
Comme la France parle à tous les protagonsites du conflit, elle voudrait « accompganer le processus politique pour mettre fin aux contentieux ». Sans doute les auditeurs et téléspectateurs arméniens de TV Azadutiyun ont-ils hautement apprécié la réponse de l’ambassadeur à la question du journaliste concernant la demande azérie d’obtenir un corridor entre l’Azerbaidjan et le Nakhijevan, lorsqu’il a dit, « il faut bannir le terme corridor » (référence faite au corridor de Dantzik, prétexte de Hitler pour envahir la Pologne), « pas de corridor aux dépens d’autres pays ».
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A travers cette interview, on peut légitimement penser que La France, soutenue par les Etats-Unis et l’Union européenne, tend, en s’impliquant dans la sous-région, ne pas laisser le tandem russo-turc établir une zone d’influence exlusive. Son entrée dans le jeu sous-régional ne se fera pas au moyen d’un affrontement avec Moscou, mais tiendra compte des intérêts russes aussi. C’est le sens qu’il convient de donner à la réponse de l’ambassadeur de France en Arménie au journaliste au sujet de la disposition de la France à proposer une coopération en matière de sécurité avec Erevan. « la France et l’Arménie appartiennent à deux alliances stratégiques différentes ». Il est vrai que la France est membre de l’OTAN, alors que l’Arménie appartient à l’OTSC. Cependant, il est fort à parier qu’elle restera ferme sur un certain nombre de principe.
Marc Alenzi
26 juillet 2021

par La rédaction le mardi 27 juillet 2021
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