MUSIQUE Rubrique

André Manoukian 4tet invite Audrey Kessedjian


Avec son phrasé bien à lui, André Manoukian décrit à merveille ce qui l’a poussé à renouer avec la musique de ses ancêtres. « L’Orient, mes grands-parents en furent chassés. Longtemps je fus allergique à ses excès, son sucre, sa passion. Jusqu’aux retrouvailles, autour d’un piano :
— Pourriez-vous me jouer quelque chose d’arménien ?
Une vague mélodie de ma grand-mère égrenée d’un doigt hésitant...
— On dirait du Satie...
Et me voilà parcourant de nouveaux territoires sonores, armé de tambours sacrés iraniens, d’un violoncelliste turc, d’une chanteuse syrienne, d’un duduk arménien, de rythmes “Alaturka” (à la turque), repoussant les frontières mentales pour dessiner les contours d’un paradis perdu, entre Vienne et Samarkhande, à la recherche d’éclats de spleen, pour retrouver, le temps d’un concert, l’âme de mes ancêtres.
 »

Finalement, les frontières qui séparent le jazz de la musique orientale sont surtout géographiques. Le pianiste André Manoukian s’emploie à le montrer : « Dans ce projet, j’avais envie d’aller sur la musique de mes ancêtres, celle de l’Orient, mais plutôt du côté festif. J’ai eu envie de jouer sur de nouveaux rythmes qu’on appelle “Alaturka”, à la turque. Ce sont des rythmes à cinq, sept, neuf temps. »

André Manoukian ne s’est pas aventuré seul sur ce terrain, sa musique s’est enrichie au fil des rencontres. Avec son quartet (Hervé Gourdikian aux saxophones et duduk ; Pierre Alain Tocanier à la batterie ; Guillaume Latil au violoncelle), il part à la découverte de la chanteuse Audrey Kessedjian, une voix aussi à l’aise dans le répertoire classique que traditionnel, capable de chanter en arménien de façon plus orientale que les gens de la diaspora.

Cette soprano, nous l’avions rencontrée en 2017, peu de temps après sa rencontre avec André Manoukian à la fin d’une représentation des D.I.V.A., un groupe de chanteuses classiques qui ont dépoussiéré le genre. «  D’après ma mère, j’avais déjà chanté devant lui plus jeune à Arnouville mais je ne m’en souviens pas... », nous confiait alors Audrey Kessedjian. Ses racines sont importantes pour celle qui a joué la première Gariné dans l’opéra-bouffe éponyme mis en scène par Gérald Papasian. C’est sa compagne d’alors, Nora Armani, qui l’avait repérée lors d’un concert des anciens de l’école Tebrotzassère Salle Cortot. « Elle était déjà merveilleuse. Elle a été ma première « fifille » », se souvient le metteur en scène. Audrey, elle, parle avec émotion de la musique arménienne qu’elle aime particulièrement - même si j’en ai interprété finalement très peu. " Plus jeune, j’avais du mal à la jouer car elle me touchait trop. Elle est tellement puissante et profonde qu’il faut réussir à prendre du recul.  » Recul que la trentenaire tatouée d’une note de musique au poignet a pris, ce qui lui permet de concrétiser ce beau projet avec André Manoukian.

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Claire Barbuti

Jeudi 4 avril à 20h
Hexagone Scène Nationale Arts Sciences - Meylan
Dans le cadre du Festival Détours de Babel 2019
Plus d’infos : www.detoursdebabel.fr/Andre-Manoukian-4tet-invite-Audrey-Kessedjian

par Claire le dimanche 3 février 2019
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