Hélène Luc Rubrique

Ensemble nous avons réussi ! Le point de vue de Hélène Luc


Le 6 novembre dernier au terme d’une journée mémorable, marquée notamment par une présence dynamique de nombreux représentants de la communauté arménienne, le Sénat a consacré par son vote un acte majeur de mé-moire et de vérité dans l’histoire des sociétés. Vous avez pu mesurer tout à la fois l’âpreté et la densité des débats à travers le compte-rendu complet, rapporté par le numéro de décembre de votre revue Nouvelles d’Arménie Magazine. Au delà de la portée capitale de cette journée historique, je souhaite exprimer ici la fierté et l’honneur que je ressens d’avoir contribué, au nom des citoyens français, à faire de notre pays l’un de ceux qui met solennellement et institutionnellement un terme à plus de 85 ans d’occultation et de négation d’un événement tragique du XXe siècle. Je tiens à souligner également que rarement un travail législatif aura été à ce point le fruit d’une volonté et d’une action commune, d’une coopération, entre les forces vives de la société, en l’occurrence votre communauté avec son Comité du 24 avril et le Président M. Govcyian, et la représentation nationale. Cette interaction permanente, entre les citoyens et les parlementaires que nous sommes, correspond pleinement et profondément pour moi à la conception que j’ai de l’exercice de mon mandat d’élue au service de mes concitoyens. Ce fut une grande satisfaction comme ce fut un grand enrichissement humain que de pouvoir développer ces échanges, ces consultations, et d’assurer en retour et à chaque instant, comme nous nous efforçons de le faire, le suivi, le compte rendu et le résultat de notre activité.
Outre sa dimension pour l’Histoire, cet acte parlementaire restera pour moi une leçon forte de démocratie participative, qui devrait servir d’exemple pour d’autres pans de la vie publique de notre pays. Combien celle-ci en effet serait porteuse d’avancées significatives si les citoyens concernés intervenaient avec cette même détermination, cette même confiance en la cause défendue, sur l’ensemble des sujets qui les préoccupent et les concernent au premier chef. Bien entendu, la cause que nous avons portée ensemble n’est pas une cause ordinaire. Elle est fondamentale. Elle s’est ancrée dans les 85 ans qui ont taraudé génération après génération et qui taraudent toujours et toujours une communauté meurtrie et entravée dans son travail d’élucidation, de reconnaissance, de deuil et de justice, meurtrie et entravée dans la nécessaire construction de son histoire et de son identité personnelle, familiale et nationale. Durant les deux dernières année de blocage et de contradictions qui ont jalonné les travaux du Sénat - comme présidente du groupe Communiste Républicain et Citoyen, j’ai demandé rien de moins que 11 fois l’inscription de cette question à l’ordre du jour des travaux du Sénat à la conférence des présidents !-J’ai été vraiment impressionnée par l’intensité de la souffrance qui perdure, dans l’intimité de la mémoire de chacun de nos compatriotes arméniens vivant en France. Notre travail de parlementaire ne consiste pas à refaire l’Histoire. Celle-ci est établie de façon irréfutable, comme l’est par exemple la Shoah. Ce que nous avons voulu est parfaitement défini, que la France décide d’un acte politique fort, celui du devoir de mémoire et de vérité à l’égard du peuple arménien et de la communauté internationale. A cet égard, mais est-il nécessaire de le rappeler, il ne s’agit pas d’une décision dirigée contre le gouvernement turc d’aujourd’hui, qui n’a bien entendu pas de responsabilité dans ce qui s’est passé il y a 85 ans et qui je l’espère avec vous, reconnaîtra le génocide dans un avenir aussi proche que possible. Je considère que le devoir de mémoire et de vérité , de nombreuses années après la survenue d’événements graves, impose à toute nation de qualifier officiellement certains actes historiques. C’est une exigence incontournable et toutes choses égales par ailleurs, les révélations récentes faites à propos de la guerre d’Algérie et des atrocités commises, relèvent de la même démarche. Au moment où j’écris ces lignes je reviens de la soirée des Enfants d’Arménie de notre ami Charles Aznavour et à laquelle j’ai participé, à l’invitation de M. l’Ambassadeur d’Arménie, en présence des Présidents des Républiques d’Arménie et de France. Beaucoup d’émotions, beaucoup de joie, de ce moment qui fut un véritable point d’orgue de notre engagement commun. Permettez qu’en guise de conclusion et mettant à profit ce début d’année 2001, je présente ici mes vœux les plus chaleureux de réussite, de bonheur et de dignité rétablie à l’ensemble des membres de la grande famille arménienne de France.

par le lundi 1er janvier 2001
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Hélène Luc est présidente du groupe Communiste Républicain et Citoyen et sénatrice du Val de Marne.