Gérard Collomb Rubrique

Préparer un avenir serein Le point de vue de Gérard Collomb


Sa situation géographique au carrefour des grands Empires a fait traverser à l’Arménie des périodes terribles. Mais son identité a toujours survécu. Sa langue, ses arts, sa religion, confèrent toute sa dimension à la culture arménienne. Cette cohésion est le fruit d’une volonté indéfectible du peuple arménien de fortifier son unité et d’affirmer son sentiment d’originalité. Cette exception arménienne prévaut par sa richesse. Les terribles massacres de 1915, premier génocide du XXe siècle, la soviétisation totale d’une partie de leur territoire en 1920, n’ont jamais pu anéantir les Arméniens. Il est vrai qu’on n’efface pas une culture aussi riche, car au-delà des Nations et des Etats, le sentiment d’appartenance à une communauté d’âmes est une force qui transcende tout.
Il existe entre la France et l’Arménie une longue tradition d’amitié. Par la loi du 29 janvier 2001, notre pays a reconnu le génocide arménien. Ce fut l’aboutissement d’un long et difficile combat. Il aura fallu que ce génocide soit d’abord mentionné puis adopté par la sous-commission de lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations Unies en 1985. Il aura ensuite fallu que le Parlement européen affirme la nature de génocide des événements de 1915 dans la résolution « sur une solution politique de la question arménienne » en 1987 pour qu’une proposition de loi soit enfin adoptée à l’Assemblée Nationale, le 29 mai 1998 et par le Sénat le 7 novembre 2000.
Membre du Groupe d’Amitié France-Arménie au Sénat, je me suis personnellement engagé dans la cause arménienne et en particulier dans la reconnaissance de ce génocide. Ma conviction est que tous les crimes de l’histoire deviennent, tôt ou tard, objets de débats, avant de devenir des objets de réprobation et de condamnation. A travers cette reconnaissance du génocide arménien, c’est la défense d’une nouvelle conception des relations humaines qui s’est exprimée. Une conception fondée sur le droit et non sur la force et la violence. A cet égard, je cite volontiers l’action de ces intellectuels français qui avaient créé un mouvement arménophile après les massacres de 1894/1896 : Jean Jaurès, Anatole France, Charles Péguy, Georges Clemenceau... A travers leur journal « Pro Armenia », ils dénonçaient les terribles pogroms perpétrés par l’armée ottomane dans toute l’Anatolie orientale. Un siècle plus tard, la France a donc manifesté son attachement à la communauté arménienne, à la vérité, à l’Histoire.
L’adoption de cette Loi ne constitue en rien un sentiment d’hostilité envers la Turquie. Bien au contraire : le devoir de Mémoire est le plus court chemin qui mène à la paix entre les peuples.

par le vendredi 1er mars 2002
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Gérard Collomb est sénateur-maire de Lyon.