Marie-Arlette Carlotti Rubrique

Décision-cadre contre le racisme et la xénophobie : l’UE passe à l’offensive. Le point de vue de Marie-Arlette Carlotti, Députée européenne PS, paru dans le numéro 149 des Nouvelles d’Arménie Magazine


L es socialistes français sont à la pointe du combat contre le racisme et la xénophobie. Pour nous, la lutte contre le négationnisme, par la pénalisation des actes ou injures
racistes et négationnistes, fait partie intégrante de ce combat. C’est notre engagement républicain contre le négationnisme. Car il n’est pas seulement un crime contre la vérité. Il est aussi la négation de l’ensemble des valeurs fondamentales sur lesquelles se construit l’Europe.
En matière de lutte contre toutes les formes de discrimination, l’UE est souvent un modèle qui « tire » vers le haut les législations et les pratiques dans les Etats membres.

Depuis le Traité d’Amsterdam (1999), elle est investie de compétences étendues en la matière. A côté de l’interdiction de discriminer sur base de la nationalité (Art.12), six motifs de discrimination entrent dans le
champ des compétences de l’Union : la prétendue race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions philosophiques, le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle (Art.13). Les compétences de l’Union européenne relatives à la lutte contre les discriminations entre hommes et femmes ont également été renforcées (Art.2 et Art.3). Mais manquait à cet arsenal juridique un volet sur le racisme et la xénophobie.

Certes tous les Etats membres de l’UE disposent d’une législation pour combattre ces fléaux, mais il existe des divergences profondes et de nombreuses lacunes dans ces dispositifs nationaux, qui ne permettaient pas de garantir efficacement la lutte contre le racisme et la xénophobie transfrontière et en Europe en général. Or il y a urgence.
Racisme et xénophobie gagnent du terrain en Europe. Le premier rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux publié en juin 2008 le confirme : les crimes racistes sont en augmentation dans au moins 8 pays européens. À l’instar des années précédentes, ce rapport relève une tendance générale à la hausse du nombre de crimes à caractère raciste enregistrés par la justice pénale (ils avaient augmenté de 20 à 45 % selon les Etats membres en 2006). Le constat est sans appel : « la violence et les crimes racistes restent une maladie sociale grave à travers l’Europe ».

Pour enrayer cette inquiétante épidémie, des propositions d’harmonisation européenne sont sur la table depuis 2001. Mais elles sont restées sans suite, victimes de la règle de l’unanimité au Conseil et de l’incapacité des Etats membres à se mettre d’accord sur la définition des comportements condamnables et le niveau de peine à prévoir. Il aura fallu toute la détermination des Socialistes français et européens, rassemblés derrière Martine Roure - ice-présidente du Parlement européen et rapporteur sur le sujet - pour relancer cette proposition en obtenant le
vote quasi unanime du Parlement sur une recommandation
de législation. Un message fort et clair, qui a contraint le Conseil à adopter officiellement une « décision-cadre sur la lutte contre certaines formes et manifestations de
racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal
 » le 28 novembre 2008, à l’unanimité.

Ce texte établit les actes intentionnels punissables dans tous les Etats membres de l’UE :
- L’incitation publique à la violence ou à la chaine, même par la diffusion ou la distribution d’écrits, d’images ou d’autres supports, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe, défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique ;
- L’apologie publique, la négation ou la banalisation grossière des crimes de génocide :
- des crimes contre l’humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique ;
- des crimes définis par le Tribunal de Nuremberg (article 6 de la Charte du Tribunal militaire international annexée à l’accord de Londres de 1945), visant un groupe de personnes ou un membre d’un tel groupe défini par référence a la race, la couleur, la religion, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique. Notre combat a porté ses fruits. Il existe désormais, à l’échelle européenne, un socle juridique sur lequel l’ensemble des Etats membres peut s’appuyer pour bâtir une législation de combat contre le négationnisme.

Les Etats membres doivent faire en sorte que ces actes soient punissables d’une peine maximale d’au moins un à trois ans d’emprisonnement.
Après son adoption, ils disposent d’un délai de deux ans pour se conformer à la décision-cadre.

Bien sûr, ce texte ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité. D’abord parce qu’il fallait trouver le juste équilibre entre condamnation des propos injurieux et respect de la liberté de pensée et de la liberté d’expression, consacrées par les articles 10 et 11 de la
charte des droits fondamentaux. Ensuite parce qu’il est le fruit de négociations longues et laborieuses : son contenu et sa portée s’en ressentent ! Mais dans ce
domaine aussi, l’UE se construit à petits pas. Et ce compromis politique lance une dynamique. Il établit un niveau d’harmonisation minimum (notamment pour ceux dont la
législation était insuffisante voire inexistante) et doit permettre aux Etats membres d’aller plus loin à l’avenir. Pour cela, le texte prévoit une clause de révision - après une période de trois ans - intégrée à la demande des
Socialistes.

Pour garantir l’efficacité de la lutte contre le racisme, cette Décision-cadre doit également s’inscrire dans un cadre global d’instruments européens pour lutter contre toutes les formes de discrimination. Avec les socialistes français et européens, nous poursuivrons donc le combat pour que cette décision-cadre soit complétée par l’adoption d’une directive générale sur la lutte contre l’ensemble des discriminations inscrites à l’article 13 du Traité.

par le samedi 28 février 2009
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