ARMENIE / SENEGAL Rubrique

Un ami de l’Arménie


Le talentueux poète et professeur de Lettres Racine Senghor est né au cœur de la province du Saloum, au Sénégal.

Il est Attaché au Ministère de la Culture du Sénégal et, parallèlement, Directeur du Monument de la Renaissance africaine situé à Dakar.

Il a été, dans le passé, Directeur de l’Enseignement secondaire, Secrétaire exécutif du Projet ARCHES destiné à l’Harmonisation des enseignements secondaires dans les pays francophones du continent africain.

Il a écrit plusieurs manuels scolaires de français, et a également été Directeur des Arts puis Directeur de Cabinet au Ministère de la Culture.

J’ai rencontré Monsieur Senghor en 2018 dans le cadre du XVIIe Sommet de la Francophonie qui s’est tenu à Erevan en Arménie, où il représentait le Sénégal. Nous avons longuement parlé des relations culturelles et diplomatiques entre nos pays. Au cours de cette discussion, nous avons constaté qu’il est nécessaire d’approfondir ces relations : surtout les échanges culturels.

Deux ans après, je reviens vers vous, grand ami des Arméniens, pour en savoir plus.

Les relations diplomatiques entre la République d’Arménie et la République du Sénégal ont été établies le 8 Avril 2004. Comment pourriez-vous les décrire aujourd’hui ?

Je voudrais d’abord vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à partir de cette belle tribune. Je voudrais également dire le bonheur qui est le mien d’avoir pu visiter l’Arménie et sa magnifique capitale, Erevan, et d’avoir vécu pendant quelques jours dans la proximité des Arméniens. Vous l’avez dit et je m’en honore, je suis un « grand ami des Arméniens ». Le président de la République du Sénégal, Son Excellence Macky SALL, a eu à magnifier les excellentes relations diplomatiques entre le Sénégal et l’Arménie. Vous l’avez dit, elles datent de 2004 et elles sont fondées sur des valeurs partagées dont celles que véhiculent la Culture au sens large et la Francophonie dont le XVIIe Sommet s’est réuni à Erevan en octobre 2018. Personnellement je me réjouis de ce que j’ai vu, en souhaitant que ces relations s’amplifient au bénéfice de tous.

Vous étiez en Arménie pour la première fois en octobre 2018 pour le XVIIe sommet de la Francophonie. Quels souvenirs et impressions gardez-vous de votre séjour en Arménie.

L’Arménie est un pays que j’ai longtemps rêvé visiter, pour en avoir eu des échos divers à travers mes lectures, pour son histoire qui renvoie l’image d’un grand pays héritier d’une très belle civilisation. Vous comprenez donc mon éblouissement devant cet héritage, ce patrimoine. Il m’était un bonheur exquis de me promener dans Erevan, l’ancien et le moderne, en passant inévitablement par la Place de la République, le Musée et la galerie nationale… Bien évidemment, j’ai apprécié la finesse des restaurants et la courtoisie des Arméniens.
Comment ne pas évoquer le sens de l’organisation et de la méthode qui a permis la tenue du Sommet de la Francophonie dans des conditions idéales.
Mon premier séjour en Arménie m’a fortement marqué et je souhaiterais pouvoir y retourner plusieurs fois encore pour davantage m’en imprégner et nouer davantage de relations humaines.

Selon vous, les Sénégalais connaissent-ils bien l’Arménie ?

Les Sénégalais, hélas, ne connaissent pas bien l’Arménie. La distance y est sans doute pour beaucoup et la rareté des contacts. Le Sénégal est sur la pointe de l’Afrique la plus avancée dans l’Océan Atlantique, face aux Amériques et au-dessous de l’Europe occidentale. Aussi ces deux axes sont-ils privilégiés dans les déplacements des Sénégalais, déplacements d’autant plus aisés qu’il y a de nombreux vols vers ces destinations-là. Il faudra arriver à créer un courant d’échanges entre l’Arménie et le Sénégal et plus largement avec l’Afrique.

L’écrivain et président sénégalais Léopold Sédar Senghor (1906-2001) signe un article qui est le premier à doter la francophonie d’un contenu culturel.
Le Sénégal est membre de l’assemblée parlementaire de la francophonie depuis 1967 ainsi que de l’organisation internationale de la francophonie depuis 1970.
Aujourd’hui quelle est l’importance réelle de la langue française au Sénégal en sachant qu’il existe une grande diversité linguistique dans les langues usitées dans le pays, sachant que la Constitution de 2001 a reconnu la langue française comme langue officielle ?

Oui, le poète-président Léopold Sédar Senghor a théorisé la Francophonie culturelle et il a été à l’origine de l’Organisation de la Francophonie, avec les Présidents Habib Bourguiba, Diori Hamani, et le Prince Norodom Sihanouk. Il a donc beaucoup contribué à faire du Français, langue partagée entre les cinq continents, un moyen de coopération et de solidarité exemplaire.
Au Sénégal, le Français est langue officielle depuis 1960 et toutes les constitutions, depuis cette date, l’ont confirmé. C’est depuis près de deux siècles, depuis l’époque coloniale, la langue principale d’enseignement et celle de l’administration. Il n’y a pas vraiment de conflits avec les langues nationales dont une, le Wolof, est parlée quasiment par tous les Sénégalais. Les langues nationales vivent, se développent, sont enseignées selon les besoins et constituent des supports importants de créations diverses et de consolidation d’un patrimoine singulier mais qui participent des diversités enrichissantes des peuples.
La place du Français se renforce, c’est une langue qui fait partie du décor et dont le déploiement, naturel depuis très longtemps, tient à son statut et à la richesse de la créativité des Sénégalais, tous secteurs confondus : des intellectuels, des scientifiques et autres artistes et autres acteurs de la vie nationale et internationale.
Evidemment, le mouvement de promotion des langues nationales se développe, sans hostilité si je puis dire avec le Français. La langue, faut-il le rappeler, est un élément central du patrimoine d’un peuple. Mais nous savons et reconnaissons que toute langue est métissage !

Vous êtes le Directeur du Monument de la Renaissance africaine, lequel est un centre culturel important. J’imagine que beaucoup d’événements ont été reportés ou annulés à cause du Coronavirus.
Comment vivez-vous cette pandémie ? Quelle est la situation sanitaire au Sénégal ? Les Sénégalais sont-ils confinés ?

Eh ! oui, nous vivons également le Covid-19, ce « mal qui répand la terreur » … Oui, au Monument de la Renaissance Africaine, impressionnant symbole d’une Afrique debout face à son destin, nous faisons avec la pandémie. L’observation des mesures barrières impose que tout soit fermé aux visiteurs et que soient reportés ou annulés les événements importants du programme. D’abord, la santé.
Nous vivons cette pandémie avec inquiétude, comme tout le monde, mais dans une absolue sérénité et dans la foi. Le Président de la République, le ministre de la santé et toutes les autorités ont pris les mesures adéquates pour faire face et combattre ce pernicieux virus. La situation est contrôlée et la catastrophe sanitaire prévue pour l’Afrique par des oiseaux de mauvais augures, n’est pas tombée sur nos têtes. Bien au contraire ! Nous avons bon espoir que, ici comme ailleurs, tout ira progressivement « pour le mieux dans le meilleur des mondes » que nous voulons bâtir.

Avez-vous des projets ou des idées concernant les relations culturelles entre le Sénégal et l’Arménie lorsque la crise planétaire viendra à son terme ?

L’après-coronavirus, la fin de cette crise planétaire, appelle de mon point de vue à considérer avec une attention particulière la coopération, surtout culturelle, entre les pays et les peuples. Ce virus nous édifie sur la vanité des frontières et sur l’unité profonde de l’espèce humaine. Nous avons besoin de nous mieux connaitre pour cultiver le « mieux-vivre-ensemble »
Rien de mieux indiqué que les relations culturelles pour un tel projet. Entre le Sénégal et l’Arménie, deux pays de vieilles civilisations et de culture, devraient s’instaurer des échanges culturels, d’artistes, d’écrivains. Ces échanges pourraient s’inscrire dans l’événementiel, les ateliers de création, de formation, relayés par les médias et les outils modernes de communication sociale. Ces relations peuvent également intéresser les écoles et les universités à travers des missions d’enseignement, des jumelages, etc… Quelques initiatives de bonnes volontés pourraient déclencher cette machine salutaire qui servirait de modèle. C’est un rêve à notre portée…

Interview réalisée par Monika Arakelyan

par Naïri le vendredi 29 mai 2020
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