Opinion : l’impossible alliance stratégique de l’Arménie avec l’Occident, par Michel Abrahamian

Dans ma dernière tribune dans NAM «  Le salut de l’Arménie à portée de main » j’ai tenté de démontrer l’importance capitale à la fois stratégique et économique qui lie l’Inde, l’Iran, l’Arménie et la Géorgie.
S’y ajoute une proximité civilisationnelle à laquelle ces Etats sont très attachés malgré les différences ( notamment religieuses) que leur histoire respective a provoqué.
Krikor Amirzayan a noté par exemple que l’ambassade d’Iran à Erevan a fait remarquer à ses interlocuteurs arméniens, que la déesse Anahit était commune aux panthéons perse et arménien.
Les linguistes ont aussi établi des passerelles entre le grabar, le vieux perse et le sanskrit. Ces peuples très attachés à leur histoire sont sensibles à cette proximité indo-européenne.
Voilà qui rend cette alliance économico-stratégique très solide.
Deux grandes puissances viennent cependant perturber cette belle construction.
La Russie et les USA.
La Russie était la protectrice des Chrétiens au temps des tsars et son expansion vers le Sud et l ‘Est s’est faîte à travers des guerres contre les peuples musulmans. La révolution bolchévique a tout changé. L’alliance de Staline avec Ataturk contre les Anglo-Franco-Gréco-Italiens s’est conclue par la défaite à plate couture de ces derniers, et accessoirement par la disparition de la 1ère république d’Arménie leur alliée. Le congrès des peuples d’Orient organisé à Bakou par les bolchéviks en 1920 a scellé cette alliance entre le communisme et l’Islam. Pour faire plaisir à son nouvel allié Ataturk, Staline a amputé l’Arménie bolchévisée de trois provinces supplémentaires ( en plus de celle de Kars donnée à Ataturk )– le Nakhidjévan et le Karabagh donné aux Azéris, et l’Akhalkalak ( Djavakhk) à la Géorgie. Poutine, ex-chef du KGB reste fidèle à cette alliance. A l’intérieur, Kazan, capitale du Tatarstan musulman, est la vitrine du développement high tech qui la place au même niveau que Moscou ou St Pétersbourg.
Il ne faut pas chercher d’autres raisons au refus de l’OTSC ( alliance de défense de la Russie, de la Biélorussie, de l’Arménie et des républiques musulmanes d’Asie centrale) de venir au secours de l’Arménie.
Nikol Pachinian sait qu’en cas de nouvelle agression azérie, les soldats russes basés en Arménie resteront l’arme au pied. Il cherche d’autres alliances en même temps qu’il reste vigilant face aux éventuelles tentatives de remise en selle des aparatchiks.
Mais humilier Poutine en adhérant à la CPI tout en s’abstenant très justement de condamner la Russie pour l’attaque en Ukraine est incohérent et incompréhensible pour Moscou.
Faut-il pour autant se jeter dans les bras des USA ?
Bien sûr, la coopération militaire est la bienvenue, qu’elle vienne des USA ou de la France, encore que la trop grande diversité des matériels est un handicap ( ex l’Ukraine) mais l’intégration dans l’UE ou dans l’OTAN sont une impasse dangereuse.
L’Arménie a par exemple signé un partenariat stratégique avec les USA.
Qu’en atttend-elle ? Que les Américains envoient en masse des hommes et du matériel en cas de nouvelle attaque ? JAMAIS !!!
La Turquie – membre de l’OTAN- et l’Azerbaïdjan ne sont pas sur la liste des Etats à abattre, à la différence de la Russie et de l’Iran .
Quel est l’intérêt des USA dans ce partenariat ?
Toujours contain & restrain.
Après leur échec en Ukraine, les USA sous la pression d’Israel, ont plus que jamais l’Iran dans leur ligne de mire. Mais leur momentum est passé.
La Géorgie est aussi leur cible car le régime de Bidzina Ivanishvili maintient des relations amicales avec son grand voisin.
Ils tentent de renverser le gouvernement grâce notamment à Salomé Zourabishvili qui a des liens TRES privilégiés avec la France.
Rappelons-nous à ce propos comment Saakachvili a été jeté par l’Occident contre la Russie en 2008 et le « soutien » qu’il en a obtenu !!!!

Le seul résultat catastrophique de cette alliance aventureuse de l’Arménie avec l’Occident serait de ranger définitivement la Russie du côté de l’Azeraïdjan et de la Turquie contre les ingérences occidentales en Arménie.
Quant au rapprochement avec l’UE, les Russes ont fait savoir qu’il était incompatible avec l’intégration de l’Arménie dans leur alliance économique eurasiatique….
Peut-on penser sérieusement que Madame Van der Leyen va apporter une sécurité stratégique à l’Arménie ? L’UE est un nain politico-militaire. Elle n’est même pas capable d’obliger la Turquie à quitter le nord de Chypre, pays membre de l’UE occupé depuis 1974 !!!
L’UE est en crise générale, économique et civilisationnelle et Pachinian ferait mieux de poser sa candidature aux BRICS. L’Arménie y trouverait des financements et des Etats comme l’Iran, l’Ethiopie, l’Egypte, les Emirats, l’Arabie Saoudite et l’Inde, environnement beaucoup plus propice à son développement économique.

L’Arménie doit bien sûr avoir des relations amicales avec l’Occident, mais aussi rétablir de bonnes relations avec la Russie, et coller comme une moule à son rocher à cette combinaison miraculeuse stratégique et économique que représente le CORRIDOR de TRANSPORT NORD SUD.

Michel Abrahamian
Carpentras le 10 janvier 2025.

Nos lecteurs ont lus aussi