Minsk assume la présidence de l’Union économique eurasiatique dans un contexte de tensions avec Erevan

Dans un climat de frictions persistantes entre l’Arménie et la Biélorussie, Minsk a officiellement pris la présidence tournante de l’Union économique eurasiatique (UEE), succédant à Erevan. Lors d’une déclaration publique, le Premier ministre biélorusse, Roman Golovchenko, a présenté les priorités de son mandat, affirmant son engagement à favoriser « le développement ultérieur de l’union ». Pour cette année, les réunions du Conseil suprême de l’UEE se tiendront sur le sol biélorusse.

La transition de présidence s’inscrit dans un contexte diplomatique tendu. En juin 2024, le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, avait publiquement déclaré : « Je ne visiterai plus jamais la Biélorussie tant qu’Alexandre Loukachenko en sera le président ». Les relations entre Erevan et Minsk se sont dégradées à la suite de la position affichée par Loukachenko, qui avait qualifié l’offensive de l’Azerbaïdjan contre le Haut-Karabakh de « guerre de libération ». Depuis, Pashinyan a annoncé qu’aucun représentant arménien ne se rendrait en Biélorussie tant que Loukachenko resterait au pouvoir.

Lors de la passation de présidence de l’UEE, Pashinyan a réaffirmé cette position, précisant que la participation de l’Arménie aux événements de l’organisation se limiterait à des interventions par visioconférence. Une décision qui a suscité une réaction acerbe de Loukachenko : « Peut-être qu’il n’y aura pas de télévision pour discuter à distance. » Une remarque à laquelle Pashinyan a répondu sèchement : « Je comprends, peut-être que la télévision est aussi devenue un problème pour vous. Nous le comprenons. »

Malgré ce climat tendu, l’Arménie n’a pas boycotté formellement les travaux de l’UEE. La question qui se pose désormais est de savoir si cette présidence biélorusse pourrait compliquer les relations d’Erevan avec cette structure.

Un impact limité sur le fonctionnement de l’UEE

Selon Tigran Grigoryan, politologue et président du Centre régional pour la démocratie et la sécurité, l’influence de Minsk sur les activités de l’UEE restera marginale : « Chaque organisation a ses propres mécanismes. Le rôle de la présidence est limité ; la majorité du travail se fait en coulisses, dans des cadres préparatoires. » Toutefois, il souligne que les relations tendues entre Erevan et Minsk pourraient créer des frictions indirectes.

Pour sa part, Armen Baghdasaryan, commentateur politique, estime que les tensions bilatérales ne sont pas la principale source des problèmes de l’Arménie au sein de l’UEE. « La vraie question réside dans la contradiction entre la volonté de l’UEE d’obtenir une participation accrue de l’Arménie au sein de l’OTSC et les intérêts arméniens, qui se concentrent davantage sur les avantages économiques de l’UEE. »

Grigoryan partage cet avis, ajoutant que la Russie elle-même exprime un mécontentement discret à l’égard de la politique arménienne, tant au sein de l’UEE que de l’OTSC. Mais il note que ce mécontentement est désormais géré dans des cercles diplomatiques restreints.

Une année pré-électorale décisive pour Erevan

Au-delà des tensions régionales, Baghdasaryan y voit aussi un enjeu de politique intérieure pour Nikol Pashinyan. « Nous sommes en année pré-électorale. Pashinyan cherche à renforcer ses appuis en Occident, ce qui pourrait expliquer son positionnement ferme vis-à-vis de Minsk. »

Dans ce contexte, l’ambassadeur d’Arménie en Biélorussie, Razmik Khumaryan, rappelé à Erevan pour consultations cet été, n’a toujours pas regagné son poste. Le ministère arménien des Affaires étrangères n’a pas clarifié si ce retour était envisagé, bien que l’ambassade d’Arménie à Minsk continue de fonctionner.

L’évolution de ces tensions sous la présidence biélorusse sera un test pour l’équilibre fragile de l’UEE face à des divergences qui dépassent le simple cadre économique.

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