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Le conflit à la frontière entre la Turquie et l’Iran s’aggrave à cause de la nouvelle taxe sur les carburants
La décision récente de la Turquie de mettre fin à une exonération fiscale de longue date sur le carburant pour les camions de transit iraniens a provoqué un important retard au poste frontière de Bazargan et a laissé quelque 300 camions bloqués quotidiennement dans des conditions hivernales difficiles.
Cette mesure, entrée en vigueur le 29 décembre, a provoqué la frustration et l’incertitude des transporteurs iraniens et des fonctionnaires, tout en soulignant les tensions régionales plus larges et en suscitant des appels en faveur d’un corridor alternatif vers l’Europe.
En vertu des règles turques révisées, les camionneurs iraniens sont désormais obligés de payer un lourd prélèvement équivalent à 155 % de la taxe spéciale sur la consommation, sur la base de la capacité maximale de leurs réservoirs de carburant. Dans la pratique, cela se traduit par une demande d’environ 27 TRY par litre, ce qui peut représenter quelque 60 à 80 millions IRR (environ 1 000 $) pour un seul réservoir de carburant. Cette obligation s’applique que le réservoir soit plein ou vide, ce qui a provoqué un tollé parmi les opérateurs iraniens qui dépendent fortement de la Turquie pour accéder aux marchés européens.
Les conséquences de ce changement ont été immédiates. De longues files de camions iraniens, qui auraient attendu jusqu’à dix jours à la frontière de Bazargan, se sont formées par des températures inférieures à zéro et avec un accès limité aux commodités. De nombreux chauffeurs craignent que l’impasse persistante ne nuise au commerce international de l’Iran, étant donné qu’une part importante des exportations iraniennes destinées à l’Europe transite par le territoire turc.
Les autorités iraniennes ne sont pas restées inactives. En guise de réciprocité, Téhéran a cessé de fournir du carburant aux camions turcs depuis le début du mois de janvier, ce qui a suscité les protestations des chauffeurs turcs, soudainement confrontés à des coûts et à des retards inattendus.
Des équipes de négociation iraniennes, comprenant des délégués du ministère des routes et de l’équipe spéciale de lutte contre la contrebande, se sont rendues à Ankara pour tenter de trouver une solution. Cependant, la Turquie a maintenu que l’annulation de la mesure nécessitait l’approbation du président, ce qui laisse peu de place à un compromis à court terme.
Le différend trouve son origine dans la politique iranienne du « réservoir plein », introduite il y a plusieurs mois. Destinée à enrayer la contrebande de carburant, favorisée par les prix moins élevés du carburant iranien, cette politique impose des frais aux camions turcs qui entrent en Iran. En représailles, les autorités turques ont supprimé l’exonération fiscale réciproque qui avait été accordée pendant des années dans le cadre de protocoles bilatéraux.
Les observateurs soulignent également les développements géopolitiques en Syrie et dans le Caucase, suggérant que ces tensions régionales pourraient avoir indirectement influencé la ligne dure d’Ankara.
Les analystes commerciaux mettent également en garde contre une perturbation potentielle des relations de l’Iran avec l’Union européenne, qui dépendent en grande partie de la fluidité des itinéraires de camionnage à travers la Turquie. Fatemeh Ghanbarpour, haut responsable de la Chambre de commerce iranienne, a déclaré que ce système de taxation mutuelle avait été conçu à l’origine pour empêcher la concurrence déloyale résultant des différences de prix des carburants. Elle a noté que l’Iran a d’abord introduit un plan en 2017 pour facturer aux camionneurs étrangers une différence de prix sur le carburant – bien qu’il n’ait jamais été pleinement appliqué – ce qui fait que l’impasse d’aujourd’hui semble être une escalade tardive de vieilles frictions.
Les experts de l’industrie considèrent la crise comme un appel à l’action pour que l’Iran diversifie ses routes commerciales régionales et réduise sa dépendance à l’égard des couloirs de transit turcs. L’une des alternatives proposées est le corridor de transport Golfe Persique-Mer Noire, lancé en 2016 avec la participation de l’Inde, de l’Arménie et de plusieurs autres acteurs régionaux. Cet itinéraire relierait le sud de l’Iran aux ports de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, puis aux ports géorgiens de la mer Noire avant d’atteindre la Bulgarie et l’Union européenne au sens large. Selon ses partisans, une telle initiative atténuerait les risques stratégiques d’une dépendance excessive à l’égard d’une voie unique passant par la Turquie.
Pour l’heure, cependant, le sort de centaines de camionneurs bloqués souligne l’urgence d’une diplomatie de haut niveau. Sans une résolution rapide, les retombées pourraient compromettre davantage les liens bilatéraux, alors que les deux pays s’étaient engagés à porter leur commerce annuel à 30 milliards de dollars en cinq ans lors de la 29e réunion de la commission économique mixte. Le différend menace de nuire à la connectivité régionale à un moment où la Turquie elle-même cherche à jouer un rôle important en tant que pont commercial entre l’Est et l’Ouest.