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Opinion : Le partenariat stratégique à la sauce ketchup, par Michel Abrahamian
Dans ma grande naïveté, je croyais que les USA voulaient profiter de la position de l’Arménie, avec vue imprenable sur les 2 empires du mal, la Russie et l’Iran, pour y installer tous leurs moyens d’écoute, d’observation et d’espionnage, toutes les Associations gouvernementales ou non, pour asseoir leur influence culturelle, idéologique, civilisationnelle.
La création « d’une commission de partenariat stratégique » est bien plus ambitieuse.
Ecoutons plutôt Antony Blinken, « secretary of state » maïtre d’oeuvre du projet.
« Cette commission ( de partenariat stratégique) nous offre un cadre pour développer notre coopération bilatérale dans un certain nombre de domaines clés : les questions économiques, la sécurité et la défense, la démocratie, la justice, l’inclusion et les échanges entre les peuples », a-t-il déclaré.
Il s’agit ni plus ni moins de faire de l’Arménie le 51ème Etat des USA, selon le modèle d’une Amérique décadente, d’ailleurs rejetée par une majorité d’Américains. Car les questions économiques, la démocratie, la justice, l’inclusion (sic) et les échanges entre les peuples n’ont rien à voir avec un accord stratégique. C’est une ingérence dans les affaires de l ‘Etat arménien.
L’inclusivité, par exemple et selon Wikipedia, consiste à s’élever contre « l’emprise excessive d’une norme qui prescrit, proscrit et asphyxie le singulier » !!!!!
Les USA imposent-ils cette vision à leurs alliés musulmans ?
La Turquie a-t-elle été privée des F35 pour avoir refusé cette « charte » ?
Non, il lui suffisait de rendre les systèmes anti-aériens S400 à la Russie pour les obtenir.
Les USA imposent-ils à l’Inde de renoncer à son système de castes avant de signer l’accord Quad ?
Pourquoi l’imposer à l’Arménie ? Parce que la question des libertés individuelles poussées à l’extrême ( transition de genre, GPA pour couples homosexuels etc) sont un cheval de Troie pour fragiliser tous les régimes issus de l ‘ère soviétique, de la Biélorussie à la Géorgie.
Peu leur chaud que cela conduise à la désintégration des piliers d’une société que sont la famille, le sentiment national et le devoir patriotique.
Les quelques français tombés au Sahel sont l’objet d’une cérémonie sur l’esplanade des Invalides. Depuis leurs 58 000 morts du Viet-Nam, les USA font des guerres quand leur supériorité est écrasante ou bien par proxy interposés.
Signe peut-être de la vitalité de leur société, les Russes sont capables de supporter la perte de dizaines de milliers de soldats….
Quant à la « sécurité et la défense », Antony Blinken précise bien qu’il ne s’agit pas d’envoyer des armes et des soldats en Arménie, mais seulement d’aider à « surveiller les frontières ».
Les F16 , les Abrams et les Bradley c’est juste pour l’Ukraine qui combat l’ogre russe que l’OTAN a poussé à la guerre en arrivant à ses frontières.
Les porte-avions c’est juste pour Israel pour l’aider à se défendre en écrasant Gaza, en occupant le sud du Liban et de la Syrie, pas pour passer dans la Mer Noire et assurer la protection de l’Arménie.
En signant un accord de défense, l’Inde n’a pas demandé à l’Arménie d’adopter l’hindouisme, ni l’Iran d’adopter l’Islam.
Pourquoi le gouvernement arménien a signé un tel accord avec l’administration démocrate à quelques jours de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump ?
Qui avait à y gagner ?
Pas l’Arménie.
Carpentras le 16/01/2025
Michel Abrahamian
Opinion : l’impossible alliance stratégique de l’Arménie avec l’Occident, par Michel Abrahamian
Dans ma dernière tribune dans NAM « Le salut de l’Arménie à portée de main » j’ai tenté de démontrer l’importance capitale à la fois stratégique et économique qui lie l’Inde, l’Iran, l’Arménie et la Géorgie.
S’y ajoute une proximité civilisationnelle à laquelle ces Etats sont très attachés malgré les différences ( notamment religieuses) que leur histoire respective a provoqué.
Krikor Amirzayan a noté par exemple que l’ambassade d’Iran à Erevan a fait remarquer à ses interlocuteurs arméniens, que la déesse Anahit était commune aux panthéons perse et arménien.
Les linguistes ont aussi établi des passerelles entre le grabar, le vieux perse et le sanskrit. Ces peuples très attachés à leur histoire sont sensibles à cette proximité indo-européenne.
Voilà qui rend cette alliance économico-stratégique très solide.
Deux grandes puissances viennent cependant perturber cette belle construction.
La Russie et les USA.
La Russie était la protectrice des Chrétiens au temps des tsars et son expansion vers le Sud et l ‘Est s’est faîte à travers des guerres contre les peuples musulmans. La révolution bolchévique a tout changé. L’alliance de Staline avec Ataturk contre les Anglo-Franco-Gréco-Italiens s’est conclue par la défaite à plate couture de ces derniers, et accessoirement par la disparition de la 1ère république d’Arménie leur alliée. Le congrès des peuples d’Orient organisé à Bakou par les bolchéviks en 1920 a scellé cette alliance entre le communisme et l’Islam. Pour faire plaisir à son nouvel allié Ataturk, Staline a amputé l’Arménie bolchévisée de trois provinces supplémentaires ( en plus de celle de Kars donnée à Ataturk )– le Nakhidjévan et le Karabagh donné aux Azéris, et l’Akhalkalak ( Djavakhk) à la Géorgie. Poutine, ex-chef du KGB reste fidèle à cette alliance. A l’intérieur, Kazan, capitale du Tatarstan musulman, est la vitrine du développement high tech qui la place au même niveau que Moscou ou St Pétersbourg.
Il ne faut pas chercher d’autres raisons au refus de l’OTSC ( alliance de défense de la Russie, de la Biélorussie, de l’Arménie et des républiques musulmanes d’Asie centrale) de venir au secours de l’Arménie.
Nikol Pachinian sait qu’en cas de nouvelle agression azérie, les soldats russes basés en Arménie resteront l’arme au pied. Il cherche d’autres alliances en même temps qu’il reste vigilant face aux éventuelles tentatives de remise en selle des aparatchiks.
Mais humilier Poutine en adhérant à la CPI tout en s’abstenant très justement de condamner la Russie pour l’attaque en Ukraine est incohérent et incompréhensible pour Moscou.
Faut-il pour autant se jeter dans les bras des USA ?
Bien sûr, la coopération militaire est la bienvenue, qu’elle vienne des USA ou de la France, encore que la trop grande diversité des matériels est un handicap ( ex l’Ukraine) mais l’intégration dans l’UE ou dans l’OTAN sont une impasse dangereuse.
L’Arménie a par exemple signé un partenariat stratégique avec les USA.
Qu’en atttend-elle ? Que les Américains envoient en masse des hommes et du matériel en cas de nouvelle attaque ? JAMAIS !!!
La Turquie – membre de l’OTAN- et l’Azerbaïdjan ne sont pas sur la liste des Etats à abattre, à la différence de la Russie et de l’Iran .
Quel est l’intérêt des USA dans ce partenariat ?
Toujours contain & restrain.
Après leur échec en Ukraine, les USA sous la pression d’Israel, ont plus que jamais l’Iran dans leur ligne de mire. Mais leur momentum est passé.
La Géorgie est aussi leur cible car le régime de Bidzina Ivanishvili maintient des relations amicales avec son grand voisin.
Ils tentent de renverser le gouvernement grâce notamment à Salomé Zourabishvili qui a des liens TRES privilégiés avec la France.
Rappelons-nous à ce propos comment Saakachvili a été jeté par l’Occident contre la Russie en 2008 et le « soutien » qu’il en a obtenu !!!!
Le seul résultat catastrophique de cette alliance aventureuse de l’Arménie avec l’Occident serait de ranger définitivement la Russie du côté de l’Azeraïdjan et de la Turquie contre les ingérences occidentales en Arménie.
Quant au rapprochement avec l’UE, les Russes ont fait savoir qu’il était incompatible avec l’intégration de l’Arménie dans leur alliance économique eurasiatique….
Peut-on penser sérieusement que Madame Van der Leyen va apporter une sécurité stratégique à l’Arménie ? L’UE est un nain politico-militaire. Elle n’est même pas capable d’obliger la Turquie à quitter le nord de Chypre, pays membre de l’UE occupé depuis 1974 !!!
L’UE est en crise générale, économique et civilisationnelle et Pachinian ferait mieux de poser sa candidature aux BRICS. L’Arménie y trouverait des financements et des Etats comme l’Iran, l’Ethiopie, l’Egypte, les Emirats, l’Arabie Saoudite et l’Inde, environnement beaucoup plus propice à son développement économique.
L’Arménie doit bien sûr avoir des relations amicales avec l’Occident, mais aussi rétablir de bonnes relations avec la Russie, et coller comme une moule à son rocher à cette combinaison miraculeuse stratégique et économique que représente le CORRIDOR de TRANSPORT NORD SUD.
Michel Abrahamian
Carpentras le 10 janvier 2025.
Le salut de l’Arménie à portée de main, par Michel Abrahamian
Les années horribles de l’Arménie se terminent peut-être avec 2024.
Rappelons-nous : 2018 voit l’arrivée au pouvoir de Nikol Pachinian après une marche colorée sur Erevan, soutenu par une population qui n’avait d’autre choix que de s’exiler ou subir des aparachiks corrompus empêchant le développement économique et la liberté d’entreprendre. En effet, en échange du parapluie sécuritaire, Moscou contrôlait tout, jusqu’aux passeports à l’aéroport d’Erevan !
Ayant déjà fort à faire sur son flanc ouest depuis 2014, et le coup d’état de Maïdan, avec Big Brother à la manœuvre, Poutine se souciait peu de sauver une Arménie « rebelle » . D’autant moins qu’il voyait les USA et le Royaume Uni souffler sur les braises et inciter l’Azerbaïdjan à prendre sa revanche sur des séparatistes arméniens– appellation médiatique française pour qualifier l’attitude du peuple depuis 3 000 ans sur ses terres du Karabagh et refusant le découpage administratif pervers de Staline en 1921, au nom bien sûr de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan.20 ans plus tôt, l’Occident, sans mandat de l’ONU, a dépecé sans vergogne la Yougoslavie, état aux frontières internationalement reconnues. Les règles sont bonnes quad elles arrangent l’Occident, sinon on les oublie.
Il fallait réduire les Serbes ( slaves et amis des Russes) à portion congrue, lui arrachant le Kossovo et le Monténégro en bombardant Belgrade prndant des semaines !
Pour l’équipage extrémiste anglo-saxon anti-russe , l’affaire du Karabagh était une épine de plus à planter dans le pied de Moscou.
Contain & restrain.
Ayant convaincu Erdogan de l »’opportunité » de soutenir par tous les moyens le petit frère Azéri, Richard Moore, chef du MI6- et turcophone de surcroît- se trouvait à Ankara quelques jours avant l’attaque azérie d’octobre 2020, pour aider aux derniers préparatifs et surtout assurer la Turquie que la Russie n’interviendrait pas aux côtés des Arméniens. On connaît la suite….
Tragique pour les Arméniens, la perte du Karabagh et les menaces incessantes d’Aliyev de poursuivre la tâche d’anéantissement en Arménie elle-même, ont vu en Occident couler les habituelles larmes de crocodile compassionnelles des uns, quand les autres se muraient dans un silence assourdissant, Les USA ont profité de l’aubaine pour installer la plus grande « ambassade » de toute la région, avec pas moins de 2 000 agents …..pour s’occuper sans doute des visas d’un pays de 3 millions d’habitants…..et surtout idéalement placée pour surveiller à la fois la Russie et l’Iran.
La France s’est engagée dans un soutien militaire pour répliquer à l’attitude d’Aliev en Nouvelle-Calédonie par un contrat comportant 36 !!! canons Caesar. Naturellement, s’ils arrivent un jour en totalité, ils seront un atout inestimable pour la défense de l’Arménie. Encore faudrait-il avoir les obus nécessaires pour soutenir une guerre de haute intensité…..Or l’exemple ukrainien n’est pas fait pour rassurer……
Mais pour l’Arménie, le salut est ailleurs , car, comme disait le très cynique Henry Kissinger « ëtre l’ennemi des USA peut être dangereux, être leur ami peut-être mortel. » Les Kurdes feraient bien de méditer ces propos. La formule peut s’appliquer aux anglo-français et à leurs agissements en Arménie turque en 1918-1920……
Poutine commence toujours ses entretiens avec les chefs d’état par le niveau des échanges économiques bilatéraux….Ceux entre l’Arménie et la Russie se sont développés malgré les désaccords.
Ils pourront se développer bien plus encore grâce au CORRIDOR de TRANSPORT NORD-SUD qui permettra aussi à l’Arménie d’échapper à
la tenaille mortifère est-ouest turco-azérie.
De quoi s’agit-il ?
D’une combinaison miraculeuse de préoccupations stratégiques et d’intérêts économiques.
Les acteurs ? L’Inde, l’Iran, l’Arménie et la Géorgie.
Le point de départ de ce corridor est l’Inde. Son fantastique essor économique est gêné par le coût et le temps de transport de ses exportations vers l’Occident, obérés par le transit via le canal de Suez. L’alternative consiste à utiliser le port iranien de Chabahar comme plaque tournante et plate-forme de transbordement, bénéficiant d’une zone franche. Chabahar est aussi le terminus de la ligne de chemin de fer Chine -Afghanistan-Iran ; Ainsi, les conteneurs indiens arrivés par bateaux y sont transbordés sur camions jusqu’au port géorgien de Poti sur la mer noire en passant par l’Arménie. Un dernier transbordement dessert l’Europe via le Bosphore.
La même route comporte une fourche pour desservir la Russie via le col de Lars.
Les préoccupations stratégiques sont bien sûr omniprésentes et provoquent une lutte d’influence aussi permanente qu’invisible.
L’Inde favorise le transit via l’Arménie – elle est d’ailleurs son premier fournisseur de matériel militaire- car elle redoute l’alliance Turquie-Azerbaïdjan-Pakistan. Le même Pakistan qui héberge des groupes islamistes commettant régulièrement des attentats en Inde, qui envoya des combattants contre les Arméniens en 2020, et par ailleurs en conflit frontalier avec l’Iran.
L’inconnue reste la Russie. Son alliance stratégique avec l’Iran est évidente, elle ménage la Turquie dont les intérêts en Afrique et en Syrie sont divergents des siens mais dont l’attitude de trublion dans l’Otan lui convient bien. Cependant, l’affaire de l’avion d’Azerbaïdjan Airlines abattu en territoire russe et les accusations portées par Aliyev ont certainement mécontenté Poutine. Il est parfois des incidents mineurs qui changent le cours de l’histoire. Rappelons-nous la dépêche d’Ems en 1870 et l’assassinat de l’archiduc Ferdinand en 1914.
L’Arménie a bien compris qu’elle pouvait tirer son épingle du jeu. Elle a déjà créé des entrepôts dans la zone franche de Chabahar, elle s’adosse stratégiquement à l’Inde. Et l’Iran tient plus que tout à cette « respiration arménienne » stratégique vers la Mer Noire, la Méditerranée et la Russie.
Les liens économiques ainsi créés vers l’Europe et vers la Russie permettront l’essor de la Géorgie et de l’Arménie, et établiront un partenariat puissant et indispensable avec l’immense Russie.
Carpentras le 02/01/2025
Michel Abrahamian