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A la veille de son procès à Bakou, Ruben Vardanyan dénonce l’injustice de la justice azérie
Depuis la cellule de la prison de Bakou où il croupit depuis plus d’un an, avec huit autres anciens dignitaires politiques et militaires de la République du Haut-Karabakh, incarcérés dans l’attente d’un simulacre de procès, le milliardaire et philanthrope arméno-russe Ruben Vardanyan, qui fut l’éphémère premier ministre d’un Karabakh arménien à l’agonie, a pu s’exprimer jeudi 16 janvier à la veille de sa comparution dans un tribunal de la capitale azérie où il va être jugé, entre autres chefs d’accusation, pour terrorisme. Il a rejeté avec véhémence les charges criminelles pesant sur lui qu’il a désignées comme politiquement motivées et a accusé les enquêteurs azerbaïdjanais de lui avoir attribué un faux témoignage.
“Je déclare officiellement : je n’ai fait aucun témoignage depuis le jour de mon arrestation, si ce n’est lors du premier interrogatoire, au cours duquel je n’ai fait que donner mes nom et prénoms ”, a fait savoir Vardanyan dans une déclaration dont sa famille en Arménie a précisé qu’elle avait été consignée au détour de l’entretien téléphonique hebdomadaire que lui concèdent les autorités azéries. “Tous les documents portant ma signature sont des faux. Ces documents n’existent tout simplement pas. Mes avocats et interprète ont été contraints de signer ces documents”. “Je réaffirme une fois encore et proclame ma totale innocence et l’innocence de mes compatriotes arméniens eux aussi détenus au titre de prisonniers politiques et demande que soit mis immédiatement fin à cette affaire politiquement motivée contre nous ”, a ajouté le prisonnier arménien.
Vardanyan, qui a été le numéro deux de l’exécutif du Karabakh de novembre 2022 à février 2023, avait été arrêté à un checkpoint azerbaïdjanais sur le corridor de Latchine en septembre 2023 alors qu’il quittait la région sous la pression de l’armée azérie avec l’ensemble des quelque 120 000 habitants arméniens en direction de l’Arménie via l’unique axe encore praticable, ce corridor de Latchine qui avait été bloqué par les Azéris depuis décembre 2022 en vue de soumettre la population arménienne à un blocus drastique de neuf mois, qui sera le prélude à l’offensive azérie des 19-20 septembre 2023 et à l’expulsion des Arméniens de leur terre ancestrale. Il avait été d’abord accusé de “financement d’activités terroristes”, d’entrée illégale dans le Karabakh et d’approvisionnement de ses forces armées en équipement militaire.
Vardanyan a ajouté dans sa déclaration qu’il devait répondre désormais de pas moins de 42 chefs d’accusation, dont certaines sont passibles de l’emprisonnement à perpétuité. “Je ne me suis pas vu accorder l’opportunité de prendre connaissance dans sa totalité de l’acte d’accusation”, a-t-il indiqué en ajoutant : “Mon avocat et moi avons seulement été autorisés à survoler les quelque 422 volumes du dossier, tous rédigés en langue azérie uniquement, que je ne comprends pas, et ce dans un délai très court – du 9 décembre 2024 au 8 janvier 2025. Je n’ai reçu la liste des accusations en russe que le 8 janvier 2025”. Selon l’agence de presse Reuters, les procureurs azerbaïdjanais auraient insisté sur le fait que pour ce qui concerne Vardanyan, ses “droits à une défense légale, l’utilisation de sa langue de prédilection, et autres droits procéduraux ont été garantis” durant l’enquête préliminaire.
L’avocat de la défense mentionné dans la déclaration de Vardanyan n’est apparemment pas l’avocat américain Jared Genser, qiui n’avait pas été autorisé l’an dernier à se rendre en Azerbaïdjan pour s’entretenir avec son célèbre client. Genser a accusé Bakou le mois dernier de préparer l’organisation d’un “procès secret devant un tribunal qui ne sera ni indépendant ni impartial”. Dans la soirée de jeudi, on ne savait toujours pas si Vardanyan allait comparaître aux côtés des sept autres anciens leaders arméniens du Karabakh arrêtés et emprisonnés dans les mêmes circonstances, soit dans la foulée de l’offensive militaire azérie de septembre 2023.
Les media azerbaïdjanais pro-gouvernementaux avaient fait savoir au début du mois que 15 accusés arméniens allaient comparaître devant un tribunal militaire azerbaïdjanais le 17 janvier. Toutefois, Vardanyan a accusé dans sa déclaration les autorités azéries de vouloir “séparer mon affaire dans une procédure à part ” et leur a demandé d’“associer mon affaire aux affaires des autres accusés” et de rendre leur procès public. Le gouvernement arménien maintient qu’il déploie tous ses efforts pour obtenir la libération de Vardanyan et des 22 autres Arméniens, au moins, toujours retenus en captivité en Azerbaïdjan. Mais ses opposants politiques et autres détracteurs contestent les assurances ainsi prodiguées par les autorités d’Erevan. Ils estiment que le premier ministre arménien Nikol Pachinian a au contraire aidé Bakou à légitimer le maintien en captivité de Vardanyan avec ses propos pour le moins compromettants concernant l’ancien homme d’affaires. S’exprimant lors d’une conférence de presse en août 2024, Pachinian s’était demandé qui avait bien pu inciter Vardanyan à renoncer à la citoyenneté russe pour s’établir au Karabakh en 2022 et “dans quel but”. Il renvoyait l’écho des déclarations des responsables azerbaïdjanais qui avaient affirmé avant lui que Vardanyan aurait été envoyé au Karabakh par Moscou dont il serait un agent, afin d’y servir les intérêts de la Russie. Vardanyan avait riposté à ces spéculations de Pachinian en septembre par une déclaration diffusée là encore par le biais de sa famille.
De vaines spéculations semble-t-il, car si Vardanyan devait servir les intérêts de la Russie au Karabakh, force est de constater qu’il n’a pas permis de comprendre, pendant son éphémère mandat, quels étaient les intérêts au Karabakh de la Russie, que les Arméniens l’accusent de les avoir lâchés. La Russie n’y a en tout cas rien gagné, et Vardanyan non plus, qui paie de sa liberté sa prétendue mission mandatée par Moscou, qui n’a pas été en mesure à ce jour de le faire sortir de prison, en dépit des liens toujours plus étroits unissant Moscou à Bakou depuis que Erevan s’éloigne de la Russie pour se rapprocher de l’Occident.