Bertrand Delanoë Rubrique

Au nom de l’avenir Le point de vue de Bertrand Delanoë


Chacun le sait : les Français d’origine arménienne attendent de leurs représentants la reconnaissance claire du génocide arménien de 1915. Si la France a exprimé avec constance sa solidarité envers les descendants des victimes de ce génocide, qu’elle a accueillis par dizaine de milliers sur son sol, jamais jusqu’à présent elle n ‘a franchi le pas qui consiste à ce que le Parlement reconnaisse officiellement et qualifie sans ambiguïté ce fait historique. Une première étape semblait avoir été franchie avec l’adoption à l’Assemblée nationale, le 29 mai 1998, de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste qui dans son article unique stipule : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Pourtant, le stand d’information et de sensibilisation sur la reconnaissance de ce génocide, installé face au Sénat depuis le 9 mars dernier, nous rappelle, chaque jour, que la Haute Assemblée n’a toujours pas adopté cette loi. En effet, la majorité sénatoriale n’a pas souhaité faire aboutir cette démarche. Je le regrette. Je considère même qu’après la reconnaissance du génocide arménien par l’Assemblée, la majorité sénatoriale ne fait qu’entretenir une incompréhension légitime parmi les descendants des victimes de 1915. Avec l’ensemble des sénateurs socialistes, nous avons donc la ferme intention de demander une nouvelle fois l’inscription de ce texte à l’ordre du jour complémentaire du Sénat, ou comme nous l’avons fait le 21 mars dernier, son adoption par la procédure dite de « discussion immédiate ». A travers cette attitude nous n’avons pas le sentiment de poser un acte d’hostilité à l’égard de la Turquie. La Turquie moderne ne peut évidemment être tenue pour responsable des faits survenus dans les convulsions de la fin de l’Empire Ottoman. Au contraire, la paix entre les peuples ne peut que reposer sur des fondements solides et jamais sur l’occultation du passé. Ce devoir de mémoire, cet attachement profond au respect des valeurs universelles, la France doit les assumer. J’ai la conviction que cette initiative renforcerait en outre nos liens d’amitié avec l’Arménie dont la France fut l’un des premiers à reconnaître l’indépendance. es liens se nourrissent aussi des échanges intellectuels et culturels qui constituent une réalité incontestable. Amoureux de Paris, je tenais en effet dans ces colonnes à rappeler les apports de la culture arménienne à notre capitale. Apports culturels, vitalité et créativité dont témoigne le site Arménoscope par la richesse et la pluralité des activités organisées : au niveau des expositions de peintres et de sculpteurs ou encore de la musique, et je pense en particulier au concert de Liz Sarian au Casino de Paris. Cette vitalité culturelle doit être encouragée et reconnue, au delà des grands noms de ceux qui à l’instar de Charles Aznavour, du cinéaste Henry Verneuil ou encore du footballeur Youri Djorkaeff portent avec talent les couleurs de la France sans renier leur identité et leurs racines. Car je suis convaincu comme l’a dit Henry Mendras que « C’est la communication des différences et non l’uniformité qui nourrit l’unité ». Je souhaite donc qu’au cours de la prochaine mandature municipale des initiatives contribuent à valoriser et renforcer cette richesse et cette diversité culturelle. Afin qu’à l’avenir, l’éclosion de talents nouveaux puisse magnifier l’âme de Paris, comme Robert Guédigian a su le faire avec sensibilité et justesse pour les quartiers de l’Estaque à Marseille.

par le mercredi 1er novembre 2000
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Bertrand Delanoë est président du groupe socialiste et apparentés au Conseil de Paris.