René Rouquet Rubrique

La diaspora à l’heure du choix Le point de vue de René Rouquet


Les cérémonies de commémoration du génocide arménien de 1915 ont été célébrées cette année dans un contexte particulier, dominé par l’élection présidentielle et la profanation de monuments arméniens.
Pendant longtemps, les symboles de la mémoire arménienne ont été préservés des tensions liées aux événements survenus en Arménie ou à la reconnaissance du génocide. A l’approche du 24 avril , les vieux démons ont ressurgi : à Krasnodar en Russie , à Grenoble ou encore à Alfortville où le monument au génocide, inauguré en 1984 par Joseph Franceschi et Sa Sainteté Vasken 1er, a subi le 14 avril dernier une nouvelle humiliation, la deuxième en 22 ans d’existence.
Ces actes soulèvent un sentiment légitime d’indignation et de réprobation. Ils nous invitent également à prendre du recul sur l’actualité. Chaque citoyen est ainsi alerté sur le danger de rester impassible face aux dégradations commises sur les lieux de mémoire et de culte, quels qu’ils soient, d’autant plus que ces agissements ont pour origine le rejet de la différence, l’intolérance et la haine.
La menace extrémiste se nourrit de ces sentiments. Bien que rejetée massivement le 19 mai dernier, elle est toujours présente dans notre pays et laisse planer de graves menaces sur notre République. C’est pourquoi nous sommes tous concernés par toutes les profanations, et il ne peut y avoir plusieurs discours.
Ces actes rappellent une nécessité : la reconnaissance du génocide doit faire l’objet d’un encadrement législatif spécifique susceptible d’éviter son reniement et de lui garantir le respect et la pérennité. Ce qui est écrit dans la loi doit s’inscrire définitivement dans la mémoire collective. C’est aussi pour cela que le génocide arménien doit figurer dans l’histoire enseignée dans les écoles.
A l’approche de nouvelles échéances électorales, les Français d’origine arménienne, pour lesquels les mots « mémoire » et « cause arménienne » ont un sens, doivent plus que jamais se rassembler derrière ceux qui leur ont manifesté leur soutien lorsque cela s’est avéré nécessaire.
Car depuis le 29 mai 1998, date du vote de la loi sur la reconnaissance du génocide à l’Assemblée nationale, une nouvelle forme de résistance s’est organisée et amplifiée. Les voix négationnistes s’élèvent de plus en plus et affichent plus ouvertement leur présence. Leur pression s’intensifie auprès des instances internationales. Il est à craindre que l’on assiste à des reniements et des reculades, sous toutes sortes de prétextes, historiques, politiques ou économiques, remettant en cause les acquis si difficilement obtenus.
Ces menaces représentent un danger pour la cause arménienne qui ne compte pas que des amis. L’Arménie est toujours enclavée : elle a besoin de la France et de sa diaspora pour l’aider à surmonter ses problèmes sociaux, économiques et politiques. Le Haut-Karabagh survit dans la dignité, mais aussi dans les difficultés à la faveur d’un cessez-le-feu qui garantit une paix fragile. Mais cette situation ne peut s’éterniser : elle affaiblit économiquement le Haut-Karabagh qui ne peut compter sur les aides internationales tant qu’il ne sera pas reconnu comme Etat.
Les Arméniens doivent donc pouvoir compter sur l’appui de la France face à leurs voisins et leurs détracteurs et pour cela faire en sorte que notre pays, dont les liens avec l’Arménie sont historiques, profonds et solides , continue de tenir toute sa place sur cette question.
La reconnaissance du génocide arménien par la France a été rendue possible grâce à l’action volontaire du groupe socialiste : malgré les nombreuses pressions , il a forcé l’inscription de ce projet de loi pour la première fois au Parlement en 1998 et rendu possible, après les nombreux atermoiements de la majorité de droite au Sénat, le vote d’un texte attendu par la communauté arménienne depuis plus de trente ans.
A l’heure du choix républicain qui lui est proposé, la diaspora se trouve confrontée à une alternative simple : manifester sans état d’âme son soutien aux hommes politiques qui ont c ompris le sens de son combat et ainsi préserver l’avenir . Tout autre choix risque d’affaiblir la cause arménienne en laissant notamment plus d’espace à l’expression du négationnisme et en rendant incertain le soutien manifesté jusqu’à présent envers l’Arménie et le Haut-Karabagh.

par le samedi 1er juin 2002
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René Rouquet est député-maire d’Alfortville.