Richard Mallié Rubrique

La liberté du faussaire Le point de vue de Richard Mallié, Député UMP des Bouches-du-Rhône, paru dans le numéro 147 des Nouvelles d’Arménie Magazine


Al’heure où j’écris ces lignes, le président de l’Assemblée nationale rend public un rapport sur les lois dites « mémorielles ». Dans le même temps se pose au Sénat la question de la mise à l’ordre du jour de la loi sur le négationnisme votée par mes collègues et moi-même le 12 octobre 2006, à l’Assemblée nationale. Ces deux événements, sans compter les débats suscités par certains historiens, démontrent, à l’évidence, que ces lois font question, aujourd’hui, dans notre société. S’agissant d’un problème social, je n’y répondrai pas en tant qu’ami des Arméniens, titre que je revendique hautement, mais en tant que député, c’est-à-dire en tant qu’élu de la nation, soucieux avant tout des intérêts de la France, du bien-être des Français et de leur avenir.

Dès l’abord, il faut éviter les fausses querelles : une loi sur le négationnisme n’est pas une loi mémorielle. La loi « mémorielle » est celle que le Parlement a votée en 2001, proclamant la reconnaissance par la France du génocide de 1915. Quoi qu’en disent ses opposants, elle restera indélébilement gravée dans le marbre de notre législation. En revanche, la loi votée le 12 octobre 2006, sanctionnant le négationnisme, n’est pas, elle, une loi « mémorielle ». La mémoire d’un génocide et sa négation n’ont aucun rapport. Le négationnisme tel qu’il s’exerce aujourd’hui en France ne relève pas de la mémoire collective, de l’opinion ou du travail historique, mais de la propagande politique dont l’objectif est de diviser les Français, de stigmatiser une partie d’entre eux et de troubler la paix civile. Voire de servir des intérêts étrangers.

Paix civile. Lorsqu’on parle de la négation du génocide des Arméniens, on se réfère souvent à la loi Gayssot. Et on a raison. Car la profanation du Mémorial aux Arméniens de Lyon dérive des mêmes motifs, des mêmes techniques et des mêmes objectifs que la profanation du cimetière de Carpentras. S’il y a des différences entre les génocides, il n’y en a pas entre les négationnistes. Il n’y en a surtout pas entre le racisme et la xénophobie dont il se nourrit. C’est précisément pour éviter son développement que la loi Gayssot a été votée en 1998, et que la loi sur la négation du génocide arménien l’a été à son tour le 12 octobre 2006, en dépit d’une très forte opposition, notamment celle des historiens rangés sous la bannière de l’association Liberté pour l’Histoire. Car si la préservation de la vérité historique appartient à l’historien, la préservation de la paix civile appartient au législateur.

D’ailleurs, quel paradoxe ! Entendre ainsi des intellectuels dont la mission est de défendre la vérité se faire les défenseurs de ceux qui la falsifient, qui pervertissent leur méthode et bafouent leur déontologie ! Faut-il à ce point ignorer les intérêts des élèves et des étudiants que de vouloir donner libre cours au mensonge et à la diffamation dans l’enseignement ! Le souvenir de Pierre Vidal-Naquet, leur maître à tous, s’est-il à ce point perdu, lui qui écrivait dans « Un Eichmann de Papier », « Il appartient aux historiens de retirer les faits historiques des mains des idéologues qui les exploitent » ? Dans le droit fil de sa pensée, le législateur a affirmé le 12 octobre 2006 que « le droit que le faussaire peut revendiquer ne doit pas lui être concédé au nom de la vérité. » C’est la liberté du faussaire à instrumentaliser l’histoire à des fins politiques en la falsifiant que le législateur a condamnée en votant la loi du 12 octobre 2006 sur le négationnisme.

Dans le texte cité plus haut, Vidal-Naquet stigmatisait les pseudo-historiens, individus souvent isolés et aux faibles moyens. Mais dans le cas de la négation des événements de 1915, il ne s’agit pas de francs-tireurs. Nul n’ignore, particulièrement chez les élus, que cette propagande est programmée, mise en œuvre et pilotée de l’extérieur. « La France, disait déjà en 2007 le candidat à la présidence Nicolas Sarkosy, doit non seulement condamner le négationnisme par la loi, mais ne jamais accepter une quelconque propagande d’État. » Tout est dit : propagande d’Etat. Ces termes se suffisent à eux-mêmes.

Dans les lois sur le négationnisme, il ne s’agit donc pas de mémoire. Il ne s’agit pas plus d’histoire ou d’historiens. Il s’agit encore moins d’Arméniens ou de Juifs. Il s’agit tout simplement de défendre une certaine idée de notre droit à la paix sociale et de notre indépendance.

Aujourd’hui, nous les législateurs français, portons une lourde responsabilité aux yeux de la société qui nous a confié sa législation. Le Président Sarkosy l’a dit clairement : « C’est au Parlement, aux représentants de la Nation, de donner à notre pays ses lois. Il lui appartient de tracer la frontière entre l’acceptable et l’inacceptable. Et il peut, à ce titre, décider que la négation du génocide est un acte qui franchit cette frontière. » Que demain la loi sur le négationnisme ne soit pas votée par le Parlement reviendra simplement à l’autoriser. Et bientôt, nous les législateurs, seront condamnés à assister, impuissants, à son inévitable développement avec son cortège de profanations, d’affrontements et d’ingérences extérieures. Car faire une loi et ne pas la faire exécuter, disait le cardinal de Retz, c’est autoriser la chose que l’on veut défendre.

par le vendredi 12 décembre 2008
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