Philippe Kaltenbach Rubrique

Terrasser le mensonge Le point de vue de Philippe Kaltenbach , Sénateur des Hauts-de-Seine et Maire de Clamart, paru dans le numéro 182 des Nouvelles d’Arménie Magazine


Le vote de la loi réprimant la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, et donc du génocide arménien, va permettre de terrasser le mensonge. Comme l’a rappelé Bernard-Henri Levy lors des auditions que j’ai organisées au Sénat pour préparer le vote de la loi  : « La vérité a parfois besoin de ce tuteur qu’est la loi, car elle n’est pas toujours suffisamment forte pour terrasser seule le mensonge  ». 

J’ai été particulièrement ému et fier d’expliquer à la tribune du Sénat le 23 janvier pourquoi le groupe socialiste apporterait son soutien à cette proposition de loi déjà votée par l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011. Emu car, depuis de longues années, je me suis engagé aux côtés de mes amis arméniens pour que ce génocide soit reconnu et respecté. Fier car, avec le vote de cette loi, le Parlement a montré que la France ne renierait pas ses valeurs sous la pression d’un Etat étranger aussi puissant soit-il. Ce sont la justice et l’amitié qui nous ont guidés.

La justice, car la loi de 2001 n’avait pas prévu de dispositif de sanctions contre celles et ceux qui la violeraient. Malheureusement le négationnisme a continué de se développer et est devenu de plus en plus virulent. Nos concitoyens d’origine arménienne ont le droit d’être protégés contre ces actes négationnistes, qui sont autant de coups de poignards dans leurs cœurs. Comme l’a écrit Elie Wiesel, «  tolérer le négationnisme, c’est tuer une seconde fois les victimes  ».

L’amitié, car nous avons des liens particulièrement anciens avec l’Arménie que ce génocide a indéfectiblement renforcés. Ce n’est pas un hasard si des dizaines de milliers de rescapés ont trouvé refuge en France. Ceux-ci se sont parfaitement intégrés, et ont souvent payé le prix du sang, comme le résistant Missak Manouchian, pour préserver les valeurs de respect et tolérance qui sont les nôtres. Ils ont aussi, par leur travail, contribué au développement économique de notre pays. En définitive, ils ont trouvé une seconde patrie. Leurs enfants, leurs descendants sont français, mais tous ont conservé un morceau d’Arménie au fond du cœur et cette plaie mal refermée du génocide sur laquelle les négationnistes jettent du sel par poignées.

Notre République doit protéger tous ses enfants, quels que soient leur histoire et leur parcours. Si ces femmes et ces hommes ont décidé de lier leur avenir à celui de la France, la République doit être soucieuse de leur permettre d’honorer sereinement la mémoire de leurs ancêtres. Personne sur notre territoire ne doit pouvoir leur nier ce droit. C’est cette volonté qui animait les socialistes depuis plus de 10 ans. Je me réjouis que cette démarche ait pu être conduite à son terme et je me félicite que la majorité du groupe socialiste ait soutenu la proposition de loi comme l’avaient d’ailleurs demandé Martine Aubry et François Hollande, notre candidat.

En prenant cette décision courageuse, conforme aux valeurs humanistes de la France, la Haute Assemblée n’a pas outrepassé ses prérogatives. Elle a fait sienne cette déclaration d’Anatole France après les massacres déjà perpétrés contre les Arméniens entre 1894 et 1896  : «  Le sang des martyrs n’aura pas crié en vain. Une force est avec vous, dispersée, mais puissante, la sympathie des cœurs généreux et des nobles esprits  ». Nous nous souvenons de la tragédie du génocide des Arméniens. Si quiconque entend nier le droit aux descendants des victimes d’entretenir la mémoire de leurs morts, déjà privés de sépulture, il devra s’en expliquer devant la Justice.

par le jeudi 1er mars 2012
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