Jacques Périgaud Rubrique

Laissez venir à moi les petits journalistes de la diaspora


A propos des journées de rencontre avec les journalistes de la diaspora organisée à la mi-octobre par le pouvoir arménien et au discours du président à cette occasion. Marrant ce jour de fête, ce jour de la Presse, alors qu’on n’hésite pas en temps ordinaire à taper sur les journalistes trop curieux ou écrivant en faveur de l’opposition ? Car les coups soufflent toujours dans la même direction. C’est ça la propagande. Mais attention, la priorité n’est pas donnée, semble-t-il, lors des premières phrases au journalisme de vérité ou à un journalisme au service de la démocratie intérieure. La priorité semble bien aller à un journalisme de propagande. Le ton est donc donné. On s’y attendait, car le contraire eut étonné. Méfiant, je subodore déjà un coup fourré, celui de vouloir inféoder la presse diasporique à la férule de Sarkisian, surtout quand j’entends parler d’un fonds commun d’information.

Personnellement, je crois à toute autre chose pour atteindre la vérité. Je crois au franc tireur qui filme sur son portable les coups que reçoit la jeunesse ici ou là, à l’école comme à l’armée. Avant ces images jetées au monde sans préavis, on nous disait que tout cela n’était que fabulation, tandis que maintenant on crie au scandale. Comme si le tyran n’était point informé de ses mauvaises manières ? Comme il serait confortable de disposer d’un fonds commun d’informations sur la corruption des uns ou des autres, même si cela ne faisait pas l’affaire de ceux qui passent la sébile au profit des profiteurs. Parce que l’étude d’impacts, des retombées, ce n’est pas demain la veille qu’on nous en distribuera une dans la boite aux lettres. C’est dommage, on aurait sans doute des surprises, bonnes comme mauvaises d’ailleurs.

Mais revenons à nos journalistes que l’on voudrait moutons, que l’on veut faire rentrer dans la bergerie nationale qui n’a rien à voir avec celle de Rambouillet. Le prétexte du discours n’est-il pas celui de l’existence de problèmes qui pourraient être résolus par des efforts conjugués en coopérant de près avec le gouvernement arménien ? Comme c’est gentil, comme c’est intentionné, comme cela est fait pour tout museler. Car, notre locuteur n’a pas oublié qu’il n’existe de presse que libre et dans le cas contraire ce ne serait plus que propagande à son avantage.
Le prétexte du négationnisme turco-azéri, avec des extensions à certains pays musulmans, n’est pas un faux prétexte. Mais cette guerre de l’information, qui devrait se baser uniquement sur la vérité historique et le démembrement des discours falsifiés, ne doit pas devenir un prétexte pour assujettir la presse arménienne encore libre à la propagande d’un système politico-maffieux. Le mot d’ordre invitant les journalistes ni à un embellissement ni à un noircissement de la réalité ne manque pas de culot. Bien évidemment qu’il ne faut pas tout peindre en noir, mais il ne tient qu’à notre locuteur de mettre du rose dans le paysage. Car le fascisme antiarménien ne trouve pas que son origine en face, il existe aussi à l’intérieur ! Et c’est aussi cela que doive combattre la presse librede la diaspora pour préserver sa liberté et celle des autres contre toutes les idéologies des états y compris le sien ou celui qu’elle défend par principe.

Dans ce domaine, il n’existe pas de priorité, il n’y a que des urgences.Oui, l’Arsakh, comme l’Arménie, a le droit de vivre en liberté, ni sous le joug turco-azéri, ni sous le joug post stalinien du Kremlin. Oui, l’Arsakh, comme l’Arménie, a le droit à l’autodétermination pour s’évincer de toutes les dominations historiques. On ne peut que s’étonner que l’Arsakh eut été jusqu’à présent absent des tables de négociation. Par contre, le fait qu’aujourd’hui, on exigerait sa présence sonnerait aussi comme un échec de ceux qui en ont pris la place un peu vite sous prétexte qu’ils s’étaient aussi emparés de l’Arménie. Il y a là un nœud historique qu’il faudra bien tranché et ce sera douloureux.

Là encore, la presse diasporique a son rôle dans ce combat pour la liberté. A ce front s’en ouvre un autre, celui contre le négationnisme historique, cette maladie turco-azérie qui contamine maintenant le monde méditerranéen. L’idéologie turque relève de ce cannibalisme anthropologique qui phagocyte les civilisations pour en faire siennes, qui s’approprie les monuments, les œuvres de civilisations afin de faire croire aux autres comme à elle-même qu’elle en fut à l’origine qu’elle se développa au sein des aires et œuvres de civilisation qui lui sont pourtant étrangère et dont les témoignages en connotent une existence bien antérieure à sa rapine. Qu’on nous présente des textes azéris anciens en cunéiformes ou idéogrammes, pictogrammes ou autres. Vous n’en trouverez pas un gramme en Anatolie ou dans le Caucase. Les Turco-Azéris s’inventent sans cesse un passé qu’ils n’ont pas eu en ces lieux entrainant ainsi dans leurs sillages et leurs délires historiques leurs populations ignorantes qui, au fil du temps, développent une forme de schizophrénie invalidante pour un retour à la vérité. Vue sous cette forme, la turcité peut être vue comme une maladie mentale inquiétante. Voilà maintenant que les Azéris auraient pour origine des ancêtres ibéro-caucasiens et même perses. Ils mélangent par superposition géographique historicité et origines des peuples. C’est bien la politique du pousse toi de là que je m’y mette, la politique du coucou cannibale. Avec une telle logique, un Turc en Australie peut très bien vous déclarer le plus sérieusement du monde que les aborigènes sont ses ancêtres et même que sa famille était là avant eux. Ne riez pas, c’est du sérieux.

* note : Les organes judiciaires russes auraient présenté aux autorités arméniennes, en l’occurrence au procureur général Aghvan Hovsépian et au chef du Service de sécurité nationale Gorik Hakobian, une liste de 32 personnes, essentiellement des hauts fonctionnaires arméniens et des oligarques, entretenant des rapports étroits avec les groupements criminels russes.- le 21 octobre 2010.

par le lundi 25 octobre 2010
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