ROBERT AYDABIRIAN Rubrique

« N’ayez pas peur de porter le Christ en tout milieu »


Faisons échos aux paroles prononcées au Brésil par le pape François et exigeons des religieux et laïques de l’Eglise Apostolique Arménienne de porter sans peur les enseignements du Christ, afin de surmonter nos difficultés du moment. Demandons-leur d’avancer sur le chemin d’amour, de service et d’humilité ouvert il y a 45 ans par le père Norvan Zakarian, qu’ils ont eux-mêmes élu premier primat de leur jeune diocèse. Et encourageons-les à rejeter les pratiques humiliantes, les anathèmes et les oukases issus du Saint siège d’Etchmiadzine.

Conscient du rôle historique de l’Eglise Apostolique, respectueux de la mémoire de ses martyrs et de la mission de ses serviteurs, nous voilà en même temps interpelé par la démission de notre primat, et inspiré par le très catholique pape François.

En 1998 dans une librairie lyonnaise où je recherchais l’ouvrage : « Karékine 1er, Catholicos de tous les Arméniens » la vendeuse, sans doute une religieuse, se tourna vers moi et me dit combien elle enviait les Arméniens d’avoir un tel patriarche. Il se trouve qu’aujourd’hui c’est moi qui envie les catholiques d’avoir l’argentin François comme pape.

A l’unisson avec lui je voudrais que nous appelions notre Église toute entière « à réviser sa manière d’être et de témoigner de la foi » et que nous nous demandions avec sincérité  : en qui mettre notre confiance  ?
Ecoutons François quand il dit aux hommes : « Nous sommes tentés de nous mettre au centre, de croire que nous sommes seuls, nous, à construire notre vie, ou que celle-ci est rendue heureuse par la possession, par l’argent, par le pouvoir. Mais il n’en est pas ainsi  ! Certes, l’avoir, l’argent, le pouvoir peuvent donner un moment d’ébriété, l’illusion d’être heureux  ; mais, à la fin, ce sont eux qui nous possèdent et nous poussent à avoir toujours plus, à ne jamais être rassasiés ».Et aussi quand il rappelle que : « Les enfants et les personnes âgées construisent l’avenir des peuples  ; les enfants parce qu’ils feront avancer l’histoire, les personnes âgées parce qu’elles transmettent l’expérience et la sagesse de leur vie ».

En entendant ces paroles, comment ne pas songer aux grands-parents d’Arménie qui voient leurs petits-enfants partir à l’étranger, interrompant peut-être pour toujours cette relation, ce dialogue indispensable entre générations. Et aux femmes arméniennes parfois maltraitées et dont on réduit la fonction à la maternité, en oubliant leur rôle fondamental dans l’éducation des enfants et dans la transmission de nos valeurs et de la foi. Valorisons leur engagement dans le pays et dans nos familles. Ainsi que celui de la jeunesse, surtout quand celle-ci réclame à juste titre, emplois, respect des lois constitutionnels et sociales, protection de la nature et du patrimoine culturel. A ce propos comment ne pas se souvenir du silence assourdissant d’Etchmiadzine face aux victimes des manifestations du 1er mars 2008 à Erevan, « surtout aux innocents et ceux qui étaient sans défense ».

Mais le pape nous invite aussi à penser et il a mille fois raison « (...) aux familles qui sont en difficulté, qui pleurent la mort de leurs enfants, ou qui souffrent en les voyant être les proies des paradis artificiels comme la drogue ; à toutes les personnes qui souffrent de la faim dans un monde qui chaque jour met à la poubelle des tonnes de nourriture  ; à celui qui est persécuté à cause de sa religion, de ses idées, ou simplement pour la couleur de sa peau  ; aux nombreux jeunes qui ne mettent plus leur confiance dans les institutions politiques car ils y voient égoïsme et corruption, ou qui ont perdu la foi en l’Église, et même en Dieu, à cause de l’incohérence des chrétiens et des ministres de l’Évangile. »

Nous avons tous besoin d’une Eglise « capable de déchiffrer la nuit, capable de comprendre ceux qui quittent l’Église  ; des personnes qui, après s’être laissées illusionner par d’autres propositions, retiennent que désormais l’Église - leur Jérusalem - ne peut plus offrir quelque chose de significatif et d’important. Et alors ils s’en vont par les chemins, seuls avec leur désillusion ».
Il faut aux Arméniens, ici et maintenant, une Église qui sache dialoguer avec ses fidèles, qui s’ils s’éloignent d’Etchmiadzine, affaibliront leurs liens avec l’Arménie et l’arménité. Ils ont besoin, pour être plus actif, tout comme les serviteurs de Rome, d’une valorisation grandissante de l’élément local et régional. « La bureaucratie centrale n’est pas suffisante, il faut faire grandir la collégialité et la solidarité. (...) »

Quand on demandait à Mère Teresa de Calcutta  : qu’est-ce qui devait changer dans l’Église, elle répondait  : toi et moi  ! Alors montrons que nous sommes capables de changer, et de reprendre nous-mêmes en main, avec lucidité et courage, le destin de notre diocèse voire de notre Nation.

Les résolutions issues de nos prochaines conventions nous donneront la mesure de notre volonté collective à assumer notre avenir.

Robert Aydabirian

par le jeudi 29 août 2013
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