ROBERT AYDABIRIAN Rubrique

Avec Schanth, disons non à l’arbitraire


Pendant que Schanth Ozkirisian se faisait refouler de l’aéroport de Zvartnotz pour des raisons fallacieuses, carte de séjour périmée et complot contre la sécurité de l’Etat, l’hebdomadaire français « le 1 » publiait un numéro consacré à ceux qui « ont osé dire non ! ». Quel rapport me direz-vous ? Simple, la vraie faute de Schanth c’est d’oser dire non à un pouvoir de plus en plus fébrile.

Dans « le 1 » le philosophe Michel Onfray rappelle que « Résister c’est dire non dans un monde où tout nous invite à dire oui ». Il est vrai que, souvent, le résistant est minoritaire car ses contemporains se taisent ou pire, restent indifférents.

Pour ma part, je ne chercherai pas à déconsidérer ceux qui ne partagent pas le mode d’activisme de Schanth, ni surtout à faire de lui un quelconque héros. « Heureux les peuples qui n’ont pas besoin de héros » expliquait l’écrivain Bertolt Brecht.

Schanth ne cherche ni médaille ni gloire mais il nous appelle à réagir contre cet acte arbitraire, pour délit d’opinion, dont il a été victime le 21 mai sur instruction d’un chef de la sécurité nationale. Nous devons lui être solidaires si nous ne voulons pas que son rejet fasse jurisprudence contre d’autres membres de la diaspora, d’autres militants d’associations culturelles, éducatives, philanthropiques et politiques, qui partagent à des degrés divers son combat contre les deux maux principaux de notre peuple : la perte de son identité en diaspora et l’abandon du pays par sa population.

Le premier est la conséquence directe de la dispersion forcée par le génocide de 1915. Le second, plus sournois, est dû à nos erreurs de jugement, à notre manque d’expérience et d’engagement à construire un État de droit, à développer un système socio-économique juste et efficace. Certes le contexte géopolitique dans lequel a été proclamée en 1991 la troisième République n’était pas des plus favorables. Mais le potentiel intellectuel du pays, son patrimoine industriel et ses infrastructures, les milliards de subsides et d’emprunts internationaux, les moyens financiers des Arméniens de Russie et d’ailleurs, auraient dû être moins détournés de leurs objectifs et davantage utilisés pour assurer une vie décente aux trois millions d’habitants (à peine trois départements français). La pratique de la corruption, héritée du régime soviétique, puis l’application incontrôlée des dogmes ultra-libéraux, ont laissé la place à une oligarchie opportuniste et cupide qui monopolise depuis 20 ans le pouvoir économique et politique, un système incapable de laisser monter une vraie opposition, de dialoguer avec la diaspora, d’établir une stratégie commune de reconstruction et de défense. En l’absence d’une relation de confiance mutuelle avec la population, ses élites locales et diasporiques, le pouvoir est de moins en moins respecté. En manipulant sans vergogne toutes les élections depuis 1996, en couvrant les actions criminelles commises dans l’enceinte du parlement en 1999, dans la rue en 2008, et depuis six mois contre des opposants pacifiques, le régime se discrédite et montre son incapacité à faire respecter le droit.

Il est grand temps que cela change disent Schanth et ses amis. Les calomnier, les harceler, et les rejeter risque d’élargir davantage le fossé existant entre l’État et son peuple, le pays et sa diaspora. Il faut réparer cette faute au plus tôt et permettre à Schanth de retourner contribuer à la renaissance de la mère-patrie de tous les Arméniens.

Robert Aydabirian

par le jeudi 4 juin 2015
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