ROBERT AYDABIRIAN Rubrique

Vérité, Justice et...Réconciliation


Malgré les ingérences diplomatiques de M. Lavrov et les protestations
concomitantes de certains parlementaires, soutiens inconditionnels
des deux derniers Présidents, il est indispensable que la
vérité et la justice soient rétablies au nom des Arméniens spoliés et
meurtris depuis 30 ans. La cohésion et la réconciliation nationale se
feront à ce prix.
Je pense ici à tous ceux qui en Diaspora méritent de reconnaitre,
enfin, les pages sombres et les réalités de l’Arménie indépendante,
afin de mieux comprendre ses difficultés et de l’aider à s’en sortir.
Mais surtout à ceux qui ont vu leurs usines pillées et leurs emplois
dilapidés (1992-1994), leur Parlement ensanglanté (27 octobre
1999), leurs infrastructures nationales bradées (2000-2003).
A ceux qui ont assisté impuissants aux tirs de compatriotes armés
contre la foule (nuit du 1er au 2 mars 2008) et contre des policiers
(juin 2016). A ceux qui ont appris la mort du 1er au 4 avril 2016 de
plus de 100 soldats, laissés sur le front sans équipements de base.
A ceux qui ont pleuré le départ d’un tiers de leurs proches et serré
le poing devant les bandits qui ont détourné 30 à 60% des aides
extérieures, laissant la charge des prêts étrangers sur le compte
des générations futures.
Tout cela a duré plus de 20 ans parce que, depuis 1996, toutes les
élections ayant été faussées par le bourrage des urnes et l’achat
massif de voix, aucune alternance politique n’a pu se réaliser.
Pour que disparaissent la fraude, la corruption, le crime et que des
comportements vertueux s’installent dans les mentalités, les principaux
méfaits et leurs auteurs doivent être révélés et condamnés.
Nigol Pashinian a bien compris que, fort de sa légitimité populaire
et de son immense courage personnel, cela devait se faire sans
tarder.
En parallèle et en complément, des personnalités et des juristes intègres
pourraient s’inspirer de l’effort de réconciliation nationale entamé
en Afrique du Sud par Mgr Desmond Tutu, après la victoire
des forces anti-apartheid conduite par Nelson Mandela (voir références
*). Ceci afin que la recherche de vérité et de justice ne débouche
pas sur une fragmentation de la société mais contribue, au
contraire, à son renforcement et à sa cohésion. La promesse répétée
du Premier ministre d’exclure toute vendetta politique et de tenir
des élections transparentes sont des pré-requis indispensables à
un travail plus exhaustif qu’une commission « Vérité et Réconciliation »
à l’arménienne pourrait accomplir. Si sa mise en place n’a pas
de caractère urgent, il serait utile d’y penser au cas où le risque de
confrontations internes devait s’accroitre.
Vérité, Justice et Réconciliation, voilà un triptyque à mettre au service
de la Cause Arménienne tant au plan national qu’international.
Robert Aydabirian
Paris le 3 août 2018
* Sur les travaux de cette commission voir La Douleur des mots, le récit de la
poétesse et journaliste sud-africaine (blanche) Antje Krog qui a couvert pour la
radio sud-africaine toutes les séances de la commission de 1996 à 1998 .
Et les essais sur l’esprit et les travaux de la Commission, dont ceux de Jacques
Derrida et de Paul Ricœur rassemblés dans Vérité, réconciliation, réparation.

par La rédaction le lundi 6 août 2018
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Photo réalisée dans la nuit du 1er mars par Max Sivaslian pour Nouvelles d’Arménie Magazine




 
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